Avant de vous raconter ma première expérience au onsen, j’aimerais vous expliquer ce que sont les onsen, ces fameux bains et sources chaudes du Japon.
Le onsen c’est quoi ?
Le onsen fait entièrement partie de la culture locale du Japon depuis la période féodale. En effet le pays est parcouru par de nombreuses onsen, sources chaudes volcaniques utilisées pour se baigner et se laver. A noter également que c’est un espace où les hommes et les femmes se baignent séparément.
Durant mon voyage au Japon j’ai eu l’occasion de tester différents types de onsen. En japonais onsen signifie “source chaude” et ayant entendu parler des sources thermales au Japon, j’imaginais que le onsen était seulement un bain chaud où l’on se plongeait pour se détendre, une sorte de spa. Pourtant même si l’idée n’était pas complètement fausse, le onsen est bien plus que cela. On y vient s’y laver, physiquement mais aussi de ses fautes, pour s’y repentir et réfléchir. C’est comme un rituel courant dans la vie des japonais mais qui n’est plus aujourd’hui forcément quotidien dans la vie de tous. Dans tous les quartier, y compris de Tokyo on trouvera ces bains publics -mais plutôt des sentō dont l’eau n’est pas naturellement chaude-. Aujourd’hui, il y a surtout des douches chez les habitants, mais pas tous, comme dans les petites maisons anciennes du quartier de Yanaka par exemple.
Les différents types de onsen
Si je devais catégoriser les onsen, voici comment je les distinguerais :
→ Le onsen bains publics
→ Le onsen espace de détente
mais je ne voudrais pas être trop restrictive alors je vais plutôt te parler de ces onsen que j’ai fréquenté.
Le onsen public : le premier onsen c’était à Beppu dans un bâtiment fermé. Il y avait deux bassins, chacun de la taille de deux lits doubles. L’un moins chaud que l’autre. Il n’avait pas de charme particulier autre que l’ambiance si particulière que j’y ai aimé. L’entrée symbolique est souvent de 100 yen. Il s’agissait d’un bain public où chacun pouvait venir se laver (lire mon récit ci-dessous)
Le onsen privé : toujours dans la région de Beppu, particulièrement connue des japonais comme station thermale, j’ai testé une nuit dans un bel hôtel traditionnel, un Ryokan. La salle de bain était donc un onsen, somme toute classique comme le précédent.
Mais dans le jardin, un petit coin de paradis pouvait être réservé pour profiter une demi heure des vapeurs sulfureuses de manière plus intime. Là, un petit cabinet avait été installé et derrière un panneau de paille, un joli bain entouré de plantes et de rochers.
Le onsen en pleine nature : je garde un souvenir incroyable de ce dernier : le onsen en plein air, dans la montagne. Quel luxe ! Et je le dis en riant car celui-ci ne m’a rien coûté, qu’une marche assoiffante sous un soleil pénible. Là je suis arrivée dans un endroit paisible où le cours d’eau avait été détourné et aménagé avec plusieurs bains de pierre. Ceux les plus en aval de la source étaient les plus chauds.
En passant sous un grand cerisier, un tout petit sentier m’a mené jusqu’à une petite cabane avec un vestiaire de fortune pour les femmes. Ici en pleine nature, chacun est libre de se baigner et les genres se mélangent, presque sans malaise. J’étais pourtant nue -à demi cachée dans ma serviette- parmi un groupe de vieillards et aucun ne m’a paru vicieux ou libidineux. La pudeur est respectée.
Je te livre mon petit secret, il s’agissait du onsen hebinyu en pleine nature, au dessus de Myoban à Beppu. Tu peux trouver un plan sommairement dessiné et photocopié en demandant au point info de la gare, de Beppu, rare endroit où l’on a su m’éclairer dans un anglais correct au Japon.
Peut-on aller au onsen avec des tatouages ?
Grande question n’est-ce pas ? Si l’on est tatoué.e, il est souvent déconseillé de se rendre au onsen. Dans la culture ancestrale japonaise, la tatouage était un acte d’identification réservé aux yakuza, les mafieux, les reclus de la bonne société. De ce fait le tatouage n’est pas bien vu au Japon même si avec le temps et l’ouverture sur le monde, les moeurs évoluent et les regards changent.
Je suis tatouée. Deux fois. J’avais lu que les tatoués sont parfois bannis des onsen mais pour autant je n’ai pas souhaité me passer de cette expérience. Par avance, je me suis beaucoup renseignée sur le sujet sur Internet. Et j’ai lu que tatouage et onsen ne faisaient pas bon ménage mais que l’un et l’autre pouvaient cohabiter. J’ai donc tenté ma chance sur place au Japon.
Lors de ma première expérience j’ai posé la question au guichet de l’entrée. On m’a répondu par les signes qu’il n’y avait pas de problème. Gagné ! Mais tout de même, nue dans la salle des bains avec toutes ces femmes à la peau vierge d’encre, je n’étais plus sûre d’être bien accueillie. J’étais plutôt gênée à l’idée de les mettre mal à l’aise que d’aller moi-même à l’encontre des règles. Pourtant aucun regard malveillant ne m’a été porté, jamais et j’ai fini par oublier mes tatouages pour vivre l’expérience simplement. Je ne sais même pas si elles les ont vu. J’imagine que oui. Moi, j’avais bien trop à observer pour pouvoir m’encombrer l’esprit de ce sujet.
En tant qu’étrangère au Japon, j’imagine que le regard sur mes tatouages est différent de si j’étais née là-bas. Je n’ai vu que de très rares tatouages dépasser des vêtements sur les peaux et quand ce fût le cas il s’agissait de jeunes personnes, plutôt à Tokyo. Et puis, pour les onsen dans la nature, chacun fait ce que bon lui semble.
Par la suite, j’ai toujours posé la question ou vérifié les règles du lieu concernant l’acceptation des tatouages. Une fois seulement, après m’être rendue au onsen de l’hôtel sans croiser un chat, mon frère avec qui je voyageais alors m’a fait remarquer qu’il y avait une interdiction. Dans ce cas concret, le onsen était la salle de bain de l’hôtel et je n’aurais pas pu y échapper pour me laver. Dans cette situation je conseille simplement de se faire discrète et de ne pas aller se laver aux heures d’affluence pour ne pas risquer de gêner et d’avoir une remarque désagréable.
Récit de ma première expérience du onsen au Japon
J’aimerais vous faire le récit de ma toute première fois. Il s’agit d’une retranscription de mes sentiments à chaud : un écrit au sortir du bain. Ce fût un moment incroyablement marquant et une expérience que je recommande à tous les voyageurs au Japon.
Le onsen est notamment un endroit où l’on se lave, séparément mais ensemble. À mon sens c’est un vrai moment de partage. C’est aussi une simple scène de la vie quotidienne mais cette première fois au onsen m’a beaucoup émue et chamboulée. Je n’en connaissais rien jusqu’à mon voyage en mars-avril 2018.
La première fois que je suis allée au onsen il était 17h environ à Beppu. Je dépose mes chaussures dans un casier à l’entrée. Je laisse les 100 yens symboliques au guichet et derrière un rideau je trouve le vestiaire des femmes. Il y a de grandes cases pour poser ses affaires, au milieu un petit banc, et trois lavabos ; derrière une porte coulissante, deux bains où se lavent les femmes. J’entre dans le sas mais je ne sais pas comment m’y prendre, alors j’observe l’une d’entre elles qui vient d’arriver et lui demande conseil avec les gestes. Je crois que je fais erreur elle m’indique une douche sur le côté. Je dois très certainement me laver avant de m’immerger dans le bain.
Moi qui pensais que le onsen était fait pour se détendre seulement, je découvre que c’est surtout un lieu pour se laver. Comme une grande salle de bains commune. Je suis nue et me sens quelque peu démunie. Je m’assois à côté d’une jeune femme et de ses deux enfants : une petite fille de 2 ans environ et un bébé qu’elle lave. Je suis surprise qu’elle mette le petit dans l’eau brûlante alors que je ne peux pas y mettre le doigt de pied. L’enfant ne bronche pas. Le lieu est surprenant et devant cette scène dont je fais partie je suis très touchée. La femme a avec elle une bassine et ses savons. Il y a à disposition de toutes de grandes écuelles que l’on utilise pour se mouiller tout en étant assise à côté du bassin. Il y a des femmes de tous âges. En face de moi, une femme d’une soixantaine d’années, ou peut-être un peu plus, se récure. À ma gauche se trouve une très vieille femme. Elle a le corps le plus fripé que je n’ai jamais vu -après tout, je n’ai jamais vu de personnes âgées nues-. Il y dans cette scène globale une vraie forme de beauté qui m’émeut profondément.
Je remarque avec plaisir qu’il n’y a pas trop de pudeur même s’il ne s’agit pas non plus se montrer. La curiosité me pousse à observer chaque détail de la scène en action et des corps. Je remarque chaque bleu, cicatrice, poil, bourrelet, vergeture, courbe, les rides, les poitrines généreuses, les tétons foncés. Ça n’est pas du voyeurisme, c’est de la fascination pour la vie et la féminité plus que jamais. Il n’y a aucun regard méchant, malfaisant ou encore de jugement. Chacune est simplement là de passage une vingtaine de minutes.
Le lendemain, je retourne au même onsen, en prenant mon savon avec moi cette fois. Je réitère l’expérience beaucoup plus à l’aise cette fois car je sais exactement quoi faire ou presque. Il est un peu plus de 20h et il semble que ce soit l’heure d’affluence : dans le vestiaire presque chaque case est prise et de nombreuses femmes sont là. À travers la baie vitrée coulissante je ne vois presque rien tant il y a de buée. Je me dénude, j’emmène avec moi mon savon et je prends une écuelle en bois à gauche en entrant. Je me dirige vers le pommeau de douche dont la température est normale et je me rince rapidement, puis je me trouve une place en bordure du bassin en son bout. Il y a du monde. Je m’assois au sol. C’est comme ça que l’on fait ici. Pour les plus âgés il y a des petits tabourets à disposition pour ne pas avoir à se baisser de trop. Je fais glisser mon écuelle dans le bassin et m’arrose d’abord les jambes. L’eau est brûlante encore aujourd’hui. Je réitère plusieurs fois pour m’asperger tout le corps petit à petit. Je prends du savon et commence à me frotter doucement. Je comprends que c’est un moment à moi dont je peux profiter. Cela ne me coûtera pas plus cher.
Je vois les femmes autour de moi passer de longues minutes -qui me semblent une éternité- à se frotter. Elles ne se lavent pas, elles se récurent. Je crois savoir que le onsen n’est pas seulement utilisé pour se laver au propre mais aussi au figuré : on y vient s’y défaire de ses “péchés”. Peut-être est-ce là la raison pour laquelle ces femmes passent tant de temps à astiquer avec soin chaque centimètre carré, chaque cellule de leur peau ? Chacune dispose aussi d’une petite serviette faite pour se laver. Elles l’entortillent sur elle-même et l’utilisent notamment pour se frotter le dos en tirant sur chaque bout. Rien n’est laissé au hasard. Après le rinçage, on nettoie sa place pour ne pas laisser de savon puis on se glisse dans le bain. L’eau me brûle terriblement, j’y mets un pied, puis deux, les jambes et je ressors, c’est décidément trop chaud ! À mes côtés une femme s’immerge. Je comprends que si je tente de m’habituer à la chaleur cela ne fonctionnera pas. Je plonge alors dans l’eau jusqu’au cou d’une traite. On parle de la morsure du froid mais comment expliquer la sensation d’étreinte intense de la brûlure ? Je rapproche mes genoux de ma poitrine et l’eau me fait du bien. Si je bouge cependant, je sens à nouveau la brûlure sur ma peau. Je reste ainsi trois minutes et ressorts. Je rassemble mes affaires et me rafraîchis les jambes au pommeau de douche pour relancer la circulation.
Dans le vestiaire ce soir le silence est presque religieux malgré le monde. J’observe encore. Je vois des genoux gonflés par l’arthrose, une Charlotte à pois roses qui me fait sourire. J’aimerais rester mais déjà je suis propre et prête à rentrer. Dans le froid du dehors je suis plus détendue que jamais, je me sens zen de corps comme d’esprit. C’est comme un apaisement. J’ai laissé aux bains les tensions physiques de la journée de marche et j’ai dénoué les nœuds que reforment chaque jour mon esprit.
J’ose espérer que cet article aura su répondre à vos questions, ou vous apprendre quelques choses. N’hésitez pas à commenter pour partager votre expérience et alimenter le débat par votre témoignage.
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Je parlais ce week-end avec une amie japonaise qui vit en France. Les onsen lui manquent beaucoup. Elle en a essayé les sources d’eau chaude en France et en Europe mais selon elle rien n’est équivalent au onsen japonais.
Je trouve également que les onsen au Japon sont vraiment très chaud. J’ai beaucoup de mal à y entrer. Par contre elle, ça ne lui pose aucun problème ! Elle est habituée depuis qu’elle est toute petite certainement.
J’imagine en effet que ça n’a rien de comparable. Au delà de la source chaude chez nous il n’y a pas d’âme rien de culturel.